C'est non sans émotion que j'ai pu découvrir la renaissance d'une de
mes oeuvres, "le gant de Juliette" jeudi 23 juin à 18h30, à l'office du tourisme d'Aubusson. A ma dernière visite, le 19 mars 2005, cette tapisserie n'existait que sous la forme de bobines colorées présentées sur une machine à lisser d'un autre siècle, en bois massif. J'ai particulièrement de respect pour les deux artistes Christian Blanchon et Catherine Juille qui ont travaillé, jour après jour, fil par fil, sur une oeuvre détaillée et complexe dans ses motifs.
Comme le rituel le veut à chaque tombée de métier, une trentaine de personnes étaient présentes pour "couper le fil" dont bien évidemment Michel Moine que je ne présente plus, Bernard Petit , adjoint du maire à la culture, monsieur le sous-prefet et ma compagne Katja. Pour le petit discours de forme, nous tenions à rappeler avec Michel que notre première rencontre a été virtuelle et possible grâce à Internet : pour l'anecdote, Michel est le premier blogueur à m'avoir laissé un commentaire sur ces pages, ce qui symboliquement , en ce jour si particulier dans ma carrière d'artiste, prouve que les nouvelles technologies de la communication et la tradition artistique sont loins d'être incompatibles.
On dévoile la tapisserie après le Final cut : je suis ému de voir l'adaptation d'un coup de pinceau qui m'a pris un dixième de seconde, tissé à la main par d'autres artistes ayant pris en compte cette vitesse de tracé dans son dégradé de gris. Le rendu des couleurs de la tapisserie est fidèle mais contrairement à un tableau qui reflète la lumière, celle-ci l'absorbe sans reflets, ce qui valorise différemment l'harmonie des couleurs. Le tramage et la texture de l'oeuvre donnent une dimension singulière, que l'on pourrait associer à des pixels de laine. En écrivant ces lignes, c'est la dimension tactile qui revient à mon esprit, car le véritable atout de la tapisserie réside selon moi dans son appel au toucher.
La tapisserie "Le gant de Juliette" figure aujourd'hui dans la collection de la mairie d'Aubusson, qui compte de grandes signatures de la peinture tel un Fernand Léger ou un Robert Combas, ce qui bien évidemment est un grand honneur pour moi. A ce titre, j'apprécie particulièrement la démarche de Michel Moine qui souhaite défendre le savoir-faire de son artisanat local en éditant des artistes contemporains, mais aussi en tant que blogueur, pour suivre et soutenir concrétement mon travail d'artiste depuis notre première rencontre.
Cette première expérience m'a donné envie de poursuivre dans cet art de la tapisserie qui a ses propres codes graphiques (autrefois les verdures, par exemple) et ces thèmes (la mythologie grecque). Certains détails que j'ai pu apercevoir au musée de la Tapisserie d'Aubusson montre à quel point les artistes des siècles passés étaient modernes dans leurs compositions, et reprendre certains de ces aspects, comme la frise d'encadrement par exemple, peut donner lieu à une reflexion dans leurs adaptations contemporaines.L'univers qui entoure Aubusson et ses tapisseries donnent évidemment lieu à toutes sortes de fantasmes picturaux et j'espère revivre à nouveau cette expérience de la tombée du métier très prochainement.